La chaleur était tellement suffocante dans le grand wagon de troisième classe, bondé de voyageurs, et garé au soleil depuis le matin, que Nekhludov n’y entra point et demeura sur la plateforme. Mais là aussi on ne pouvait respirer, et Nekhludov ne put respirer librement qu’après que le train ayant fini de rouler entre les maisons, un courant d’air souffla. « Oui, ils ont tué ! » se disait-il au souvenir des paroles prononcées devant sa sœur. Dans son imagination, de toutes les impressions de ce jour une seule subsistait avec une clarté extraordinaire : le beau visage du second mort, avec ses lèvres souriantes, l’expression sévère de son front, sa petite oreille ferme apparaissant sous le crâne rasé. « Mais le plus effrayant, c’est qu’on l’a tué et que personne ne sait qui l’a tué. Et pourtant on l’a tué. On l’a emmené comme