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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/318

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assis en face de lui : un jardinier qui rejoignait sa place, comme l’apprit plus tard Nekhludov. Avant d’arriver jusqu’à Tarass, Nekhludov s’arrêta dans le passage devant un vieillard à barbe blanche et à l’air respectable, en caftan de nankin, qui s’entretenait avec une jeune femme en costume de paysanne. Près de cette femme était assise une fillette de sept ans, dont les petites jambes restaient bien au-dessus du parquet ; elle était en sarafan neuf, avait une maigre natte de cheveux de filasse, et ne cessait de grignoter des graines de tournesol.

Le vieillard tournant la tête vers Nekhludov, releva les pans de son caftan qui s’étalaient sur la banquette luisante et dit d’un ton affable :

— Asseyez-vous, je vous prie.

Nekhludov remercia et s’assit à la place indiquée. Dès qu’il fut assis, la femme reprit le récit qu’elle venait d’interrompre.

Elle racontait la façon dont l’avait reçue, en ville, son mari, de chez qui elle revenait.

— J’étais allée le voir pendant la semaine de carnaval, et voilà que Dieu m’a permis d’y retourner, disait-elle. Et à Noël, si Dieu le permet encore, nous nous reverrons.

— C’est bien, fit le vieillard en se tournant vers Nekhludov. Il faut aller le voir, autrement un jeune homme se gâte vite à la ville.

— Non, grand-père ! mon homme n’est pas de