Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/34

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Les femmes, tout en rajustant leurs fichus et abaissant leurs jupes, regardaient avec une curiosité effrayée ce monsieur si propre, avec ses boutons de manchettes en or, qui entrait dans leur logis.

Deux fillettes en chemise s’élancèrent de l’izba. Nekhludov se courba, ôta son chapeau et pénétra dans le vestibule, puis dans la pièce étroite et sale, imprégnée d’une odeur aigre de cuisine. Dans l’izba, près du poêle, se tenait une vieille femme aux manches retroussées, laissant voir ses bras maigres et basanés.

— C’est notre maître ; il vient nous visiter, lui dit le vieillard.

— Eh bien, daignez entrer, dit aimablement la vieille, en rabaissant les manches de sa chemise.

— J’ai voulu voir un peu comment vous vivez, dit Nekhludov.

— Nous vivons comme tu vois. L’izba est prête à crouler et menace de tuer quelqu’un. Mais le vieux la trouve bien. Et alors nous vivons comme des rois, dit la vieille d’un air décidé. Voilà, je vais réunir la maisonnée pour le dîner. Je vais donner à manger aux travailleurs.

— Et qu’allez-vous manger pour votre dîner ?

— Ce que nous allons manger ? Ah ! notre nourriture est bonne. Premier plat, pain et kvass ; deuxième plat, kvass et pain, dit la vieille en laissant voir ses dents rongées à moitié.