Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/392

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traîneau. « Je ne sais pas moi-même pourquoi j’ai pris la hache », racontait-il. « Prends la hache, me dit-il, et je l’ai prise… On monta, on partit ; nous avancions. Ça va bien. J’avais complètement oublié la hache. Voilà que nous approchons du village. Il restait encore six verstes. Avant le croisement du chemin de traverse avec la grand’route il y a une montée. Je descendis du traîneau et marchai à côté. Et voilà que Lui me souffle : « À quoi penses-tu ? En haut de la côte la route fourmille de passants. Après c’est le village, et il emportera l’argent. Si tu veux le faire il n’y a pas à attendre. » Alors je me baissai vers le traîneau comme pour ranger la paille, et voici que la hache se trouva toute seule sous ma main. Le voyageur se retourna : « Qu’est-ce que tu fais ? » me dit-il. Alors je levai la hache pour le frapper. Mais l’homme sauta vivement du traîneau et me saisit le bras. « Que fais-tu misérable ?… » Il me jeta dans la neige. Moi, je ne luttai même pas et me laissai faire. Il m’attacha les mains avec sa ceinture, me jeta dans le traîneau et me conduisit directement au poste. On m’a mis en prison, jugé. Dans ma commune on donna sur moi de bons renseignements ; mon patron me donna aussi un bon témoignage ; mais je n’avais pas les moyens de me payer un avocat, dit Makar, et j’en ai eu pour quatre ans de travaux forcés. »

Et voilà que ce même homme, pour sauver un