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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/412

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très inflammable, mais qui n’inspirait point l’amour, ne perdait cependant pas espoir : elle était éprise tantôt de Nabatov, tantôt de Novodvorov. C’était aussi quelque chose comme de l’amour qu’éprouvait Kriltsov pour Marie Pavlovna : il l’aimait comme les hommes aiment les femmes, mais, connaissant les idées de la jeune fille sur l’amour, il lui cachait très habilement son sentiment sous les dehors de l’amitié et de la reconnaissance pour les soins si tendres dont elle le comblait. Nabatov et Rantzeva étaient liés par des sentiments amoureux très compliqués. De même que Marie Pavlovna était une jeune fille absolument chaste, de même Rantzeva était une femme mariée absolument chaste.

À seize ans, étant encore au lycée, elle s’était éprise de Rantzev, alors étudiant à l’Université de Pétersbourg. À dix-neuf ans elle l’avait épousé, lui étant encore à l’université. Au courant de sa quatrième année, son mari avait été mêlé à des troubles universitaires ; expulsé de Pétersbourg, il devint révolutionnaire. Pour l’accompagner elle avait dû abandonner les cours de médecine qu’elle suivait, et elle aussi était devenue révolutionnaire. Si son mari n’avait pas été à ses yeux le meilleur et le plus intelligent de tous les hommes, elle ne l’eût point aimé, mais l’ayant épousé parce qu’elle le trouvait le meilleur et le plus intelligent des hommes, elle avait naturellement envisagé la vie