Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/45

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— De quoi je vis ? Je mendie, répondit Anissia, et elle se mit à pleurer.

Le visage vieillot de l’enfant s’était détendu dans un sourire, et ses petites jambes minces se tortillaient comme des vers.

Nekhludov prit son portefeuille et donna dix roubles à la femme. À peine avait-il fait deux pas, qu’une autre femme, avec un enfant, s’approcha de lui ; puis une vieille, puis encore une femme. Toutes criaient misère et demandaient secours. Nekhludov leur distribua les soixante roubles de menus billets qu’il avait dans son portefeuille ; et le cœur profondément angoissé, il retourna à la maison, c’est-à-dire, au pavillon du gérant.

Celui-ci vint à sa rencontre en souriant et lui annonça que les paysans se réuniraient dans la soirée. Nekhludov le remercia, et sans entrer à la maison, il alla se promener au jardin, dans les vieilles allées envahies par l’herbe et jonchées des pétales blancs des pommiers, en songeant à ce qu’il avait vu.

D’abord, autour du pavillon, tout était calme, mais peu après Nekhludov entendit deux voix de femmes irritées qui voulaient parler toutes deux à la fois et auxquelles se mêlait, de temps en temps, la voix tranquille du gérant souriant. Nekhludov prêta l’oreille.

— C’est au-dessus de mes forces ! Veux-tu donc