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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/460

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triak, les Molokhans, les Skoptzy, chacun vante sa religion. Et alors tous se sont dispersés comme de jeunes chiens encore aveugles. Les religions sont nombreuses, mais l’Esprit est un. Il est en toi, en moi, en lui. Cela veut dire que chacun doit croire en l’esprit qui est en lui, et alors tous seront unis. Que chacun croie en soi, et tous seront unis.

Le vieillard parlait haut, en promenant son regard autour de lui, avec le désir évident de se faire entendre du plus grand nombre possible de personnes.

— Y a-t-il longtemps que vous prêchez cela ? lui demanda Nekhludov.

— Moi ? depuis très longtemps. Voilà vingt-deux ans qu’ils me persécutent.

— Et comment cela ?

— Comme on a persécuté Christ, on me persécute. On m’arrête, on me traîne devant les tribunaux, chez les popes, les docteurs, et les pharisiens ; on m’a même enfermé dans une maison de fous. Mais on ne peut rien sur moi, parce que je suis libre ! « Comment t’appelles-tu ? » qu’on me demande. Ils croient que je me donnerai un nom quelconque. Mais je n’en accepte aucun. J’ai tout renié. Je n’ai ni nom, ni pays, ni patrie ; je n’ai rien. Je suis moi. Comment on m’appelle ? Un homme ! « Et quel âge as-tu ? » Je réponds : — « Moi, je ne compte pas les années, et il m’est