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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/487

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posa aussitôt, par l’intermédiaire de Nekhludov.

— Pour combien de détenus est construite cette prison ? demanda l’Anglais. Combien renferme-t-elle de prisonniers ? Combien d’hommes, de femmes, d’enfants ? Combien de forçats, de déportés, de parents admis à suivre les condamnés ? Combien de malades ?

Nekhludov traduisait les questions de l’Anglais et les réponses du directeur, sans en pénétrer le sens, car l’entretien qu’il allait avoir le troublait d’une façon à laquelle il était loin de s’attendre. Quand, au milieu de la phrase qu’il traduisait à l’Anglais, il entendit des pas se rapprocher et la porte du bureau s’ouvrir et qu’il aperçut, comme cela avait eu lieu tant de fois déjà, le surveillant suivi de Katucha en camisole de prisonnière, et la tête enveloppée d’un fichu, il ressentit un sentiment pénible.

« Je veux vivre ! je veux avoir une famille, des enfants. Je veux une existence humaine ! » songea-t-il pendant que d’un pas rapide, sans lever les yeux, elle entrait dans la chambre.

Il se leva et fit quelques pas à sa rencontre. Son visage lui parut sévère et désagréable. Il avait la même expression que ce jour où la première fois, elle lui avait fait des reproches. Elle rougissait, pâlissait, ses doigts tortillaient fiévreusement le bord de sa camisole ; tantôt elle le regardait, tantôt baissait les yeux.