Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/80

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ludov décida d’aller s’installer à l’hôtel, dès le lendemain ; Agrafena Petrovna pouvait ainsi procéder à ses rangements comme elle l’entendrait, jusqu’à l’arrivée de sa sœur, qui prendrait une résolution définitive à l’égard de tout ce qui se trouvait dans la maison.

Le lendemain, Nekhludov sortit de bonne heure et se choisit deux chambres dans un hôtel modeste et d’une propreté relative, à proximité de la prison ; et, après avoir donné l’ordre d’y transporter les effets préparés par lui la veille, il se rendit chez l’avocat.

Il faisait froid. Après les orages et les pluies, étaient venues les gelées du printemps. Il faisait tellement froid et tant de vent, que Nekhludov était transi dans son pardessus léger, et marchait vite pour se réchauffer.

Il revoyait en imagination les gens du village : les femmes, les enfants, les vieillards, et la misère et la désespérance qu’il lui semblait avoir vues pour la première fois, et surtout le malheureux enfant vieillot, souriant et tordant ses jambes sans mollets, et, involontairement, il comparait à ces misères ce qu’il voyait dans la ville. En passant devant les boutiques des bouchers, devant les poissonneries, les magasins de confections, il était frappé, comme s’il les voyait pour la première fois, de ce grand nombre de boutiquiers propres, gras, comme on n’en trouvait pas un seul à la campagne.