Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol4.djvu/123

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fréquents, très proches. Tantôt, c’était comme une explosion qui faisait tressaillir l’air et malgré vous, vous faisait trembler ; tantôt rapidement, l’un après l’autre, se succédaient des sons moins forts, qui semblaient des coups de tambour interrompus parfois par un grondement terrible. Tantôt, tout se confondait en un éclat roulant, semblable aux coups de tonnerre, comme si l’orage battait son plein et comme si la pluie venait de tomber. Tout le monde disait et l’on entendait que le bombardement était terrible. L’officier pressait le brosseur, il désirait évidemment arriver le plus tôt possible. À leur rencontre marchaient quantité de charrettes de paysans russes qui avaient amené des approvisionnements pour Sébastopol, et maintenant en revenaient chargées de soldats malades ou blessés en capotes grises, de matelots en capotes noires, de volontaires en fez rouge et de miliciens avec barbe. La charrette d’officier dut s’arrêter dans le nuage épais, immobile de poussière soulevée par les fourgons, et l’officier, en clignant des yeux et fronçant les sourcils, à cause de la poussière qui lui emplissait les yeux et les oreilles, examinait les visages des malades et des blessés qui passaient devant lui.

— Voilà un soldat malade de notre compagnie ! dit le brosseur en se tournant vers son maître et en lui montrant le fourgon plein de blessés qui, en ce moment, était sur la même ligne qu’eux.

Sur le devant de la charrette était assis, de côté,