Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol4.djvu/143

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un jour ou l’autre. Maintenant, au moins, c’est avec le frère… »

À présent, rien qu’à la pensée de s’installer dans la charrette et sans en sortir d’arriver à Sébastopol, sans qu’aucun hasard ne puisse le retarder, il se représentait clairement le danger qu’il allait chercher, et il était troublé à l’idée seule de son imminence. Calmé tant bien que mal, il entra dans la salle. Un quart d’heure se passa, il ne revenait pas vers son frère, de sorte que celui-ci ouvrit enfin la porte pour l’appeler. Kozeltzov cadef, dans l’attitude d’un écolier coupable, parlait à l’officier P… Quand son frère ouvrit la porte, il se troubla tout à fait.

— Tout de suite. Tout de suite. Je viens tout de suite ! — dit-il en faisant à son frère un signe de la main. — Attends-moi là-bas, je t’en prie.

En effet, il sortit une minute après, et avec un profond soupir s’approcha de son frère.

— Imagine-toi, que je ne puis partir avec toi, frère.

— Comment ? quelle bêtise !

— Je te dirai la vérité, Micha ! Parmi nous personne n’a déjà plus d’argent et nous devons au capitaine en second que tu as vu là-bas. C’est tout à fait honteux !

Le frère aîné fronça les sourcils et de longtemps ne rompit pas le silence.