marcher dans la chambre. La peur d’un danger réel avait effacé la peur mystérieuse de l’obscurité. Hors la selle et le samovar, il n’y avait dans la chambre aucun objet dur. « Je suis lâche, poltron, vil poltron ! » pensa-t-il tout à coup et de nouveau il éprouva un sentiment pénible de dégoût et de mépris de soi-même. Il se recoucha et tâcha de ne pas penser. Alors, les impressions du jour revinrent à son imagination accompagnées de sons ininterrompus qui faisaient trembler les vitres de l’unique fenêtre et lui rappelaient de nouveau le danger. Tantôt il voyait les blessés et le sang ; tantôt les bombes et les éclats tombent dans la chambre ; tantôt la jolie infirmière lui fait un pansement à lui mourant et pleure sur lui ; tantôt sa mère le conduit dans une ville de province et prie ardemment avec des larmes devant l’icône miraculeuse, et de nouveau, il lui semble impossible de dormir. Mais soudain, l’idée de Dieu tout-puissant qui peut faire tout et entend chaque prière, lui venait vivement en tête. Il se mit à genoux, se signa, et joignit les mains, comme on le lui avait appris dans l’enfance. Ce geste le ramena tout à coup aux sentiments heureux, longtemps oubliés.
« S’il faut que je meure, s’il faut que je n’y sois plus, Seigneur, que ce soit au plus vite », pensa-t-il. « Mais si le courage et la fermeté que je n’ai pas sont nécessaires, donne-les moi ; délivre moi de la honte et du déshonneur que je ne pourrais