Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol4.djvu/202

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Le dîner se composait d’une copieuse soupe aux choux dans laquelle nageaient de gras morceaux de bœuf, une énorme quantité de poivre et de feuilles de laurier, ensuite le rôti à la polonaise avec de la moutarde et des aubergines au beurre pas très frais. Ils n’avaient pas de serviettes, les assiettes étaient en étain et en bois. Il n’y avait que deux verres et sur la table était posée une carafe d’eau au goulot cassé. Mais le dîner n’était pas ennuyeux, la conversation ne languissait pas un moment. D’abord, il était question de la bataille d’Inkermann, la batterie y avait participé et chacun racontait ses impressions et ses considérations sur la cause de l’insuccès, et chacun se taisait dès que le commandant de la batterie prenait la parole. Ensuite, la conversation passait tout naturellement à l’insuffisance de calibre des canons légers, aux nouveaux canons perfectionnés, et là, Volodia réussit à montrer sa science de l’artillerie. Mais la conversation ne s’arrêtait point sur la terrible situation actuelle de Sébastopol, comme si chacun pensait trop à ce sujet pour en parler. Il en fut de même des devoirs de service de Volodia. À son étonnement et à son regret, il n’en était pas du tout question, comme s’il était venu à Sébastopol seulement pour parler des canons perfectionnés et dîner chez le commandant de la batterie. Pendant le repas, une bombe tomba non loin de la maison où ils étaient. Les planchers et les murs furent secoués comme par