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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol4.djvu/262

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lumait déjà la brillante étoile du berger. Sur nos têtes, dans le ciel bleu, clair, glacé, brillaient de petites étoiles. De tous côtés rougissait dans les ténèbres la flamme des bûchers embrasés ; auprès, se trouvaient les tentes grises et s’assombrissait le monticule noir de notre batterie. Près du bûcher le plus proche, autour duquel, en se chauffant, nos brosseurs causaient à mi-voix, brillait de temps en temps, sur la batterie, le cuivre de nos gros canons et se montrait la figure de la sentinelle, la capote sur l’épaule, marchant d’un pas cadencé sur le parapet.

— Vous ne sauriez vous imaginer quelle consolation c’est pour moi de causer avec un homme tel que vous, — me dit Gouskov, bien que nous n’eussions encore causé de rien. — Seul un homme dans ma situation peut le comprendre !

Je ne savais que lui répondre et de nouveau, nous nous tûmes, malgré notre désir évident, lui de parler et moi de l’écouter.

— Pourquoi étiez-vous ?… Pourquoi avez-vous souffert ? — demandai-je enfin, ne trouvant rien de mieux pour engager la conversation.

— N’avez-vous pas entendu parler de cette malheureuse histoire avec Méténine ?

— Oui, un duel il me semble. J’ai entendu vaguement. Je suis depuis longtemps au Caucase.

— Non, il ne s’agit pas de duel. C’est une affaire stupide et terrible ! Je vous raconterai tout si vous