Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol4.djvu/29

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

esprit dans son état normal d’insouciance, de soins mesquins, de préoccupation du présent seul.

Vous rencontrerez peut-être, sortant de l’église, le convoi funéraire d’un officier, avec le cercueil rose et la musique et les étendards flottants. À votre oreille, arrivera peut-être le bruit de la fusillade des bastions, mais vos idées anciennes ne vous reviendront pas. Les funérailles vous sembleront un spectacle militaire très beau, le son de la musique, de magnifiques sons de guerre ; mais à ce spectacle et à ces sons, vous n’associerez pas l’idée claire, subjuguante des souffrances et de la mort, comme vous l’avez fait à l’ambulance.

Après avoir passé l’église et la barricade, vous entrerez dans la partie de la ville la plus animée. Des deux côtés, des enseignes de boutiques, de cabarets. Les marchands, les femmes en chapeau et en fichu, les officiers élégants, tout parle de la fermeté d’esprit, de l’assurance et de la sécurité des habitants.

Si vous voulez entendre les racontars des marins et des officiers, entrez à droite dans un cabaret ; là, on parle assurément de cette nuit, de Fengka, de l’affaire du 24, de la chèreté et de la mauvaise qualité des côtelettes, et de la façon dont furent tués tels et tels camarades.

— Ah diable ! Comme on est mal aujourd’hui chez nous ! — dit à voix basse un jeune offi-