Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol4.djvu/294

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lui-même déjà commençait à croire fermement en son passé de cavalier, ce qui du reste ne l’empêchait pas d’être, par sa douceur et son honnêteté, l’homme le plus estimable.

— Oui, qui n’a pas servi dans la cavalerie ne comprendra jamais notre frère ! — Il s’assit à cheval sur la chaise et avançant la mâchoire inférieure, se mit à parler d’une voix basse. — Il lui arrivait de se promener devant l’escadron, et non sur un cheval, mais sur un diable, tout en ruades ; et assis comme ça, comme un diable.

Le commandant d’escadron s’avance à la revue. « Lieutenant ! — dit-il, — s’il vous plaît, sans vous ça n’ira pas, menez donc l’escadron à la parade ». C’est bon, et en se retournant, quand on crie sur ses moustachus… — Ah ! que le diable emporte, voilà, c’était le temps !

Le comte revenant du bain, tout rouge, les cheveux mouillés, entra tout droit au no 7 où se trouvait déjà le cavalier en robe de chambre et fumant sa pipe, en méditant avec un plaisir mêlé d’une certaine peur à ce bonheur qui lui arrivait de loger dans la même chambre que le si connu Tourbine. « Eh bien ! — lui venait-il en tête, — si tout à coup il lui prenait fantaisie de me mettre tout nu, de m’emmener hors de la ville et de me fourrer dans la neige ou… de m’enduire de goudron, ou tout simplement… non, il ne fera pas cela à un camarade », se consolait-il.