Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol4.djvu/296

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comte, tu comprends, Blüchka ? Veux-tu manger, hein ?

Après être resté allongé un instant, il se leva, donna à manger au chien, et, presque dégrisé, alla servir et proposa à manger à son maître.

— Vous m’offenseriez tout simplement, — disait timidement le cavalier debout devant le comte, qui, les jambes sur le rebord du paravent, était couché sur son lit. — Je suis aussi un vieux militaire, un camarade, puis-je dire. Au lieu d’emprunter à quelqu’autre, avec joie je suis prêt à vous donner deux cents roubles. Je ne les ai pas maintenant, je n’ai ici que cent roubles, mais aujourd’hui même je les trouverai. Vous m’offenseriez tout simplement, comte.

— Merci, mon vieux — fit le comte, devinant d’un coup quelle sorte de relations devaient s’établir entre eux, et frappant le cavalier sur l’épaule. — Merci. Eh bien ! Si c’est ainsi, nous irons aussi au bal. Et maintenant, que ferons-nous ? Raconte ce qu’il y a chez vous, dans la ville. Quelles sont les belles ? Qui fait la noce ? Qui joue aux cartes ?

Le cavalier expliqua qu’une foule de jolies femmes seraient au bal, que l’ispravnik[1] Kolkov, élu récemment, faisait la plus grande noce, mais sans la vraie audace des hussards, qu’il était seulement comme ça, un bon garçon ; que le chœur des tziganes d’Iluchka chantait ici depuis le com-

  1. Chef de police du district.