Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol4.djvu/331

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les pieds appuyés sur la table et redressait ses cheveux pour se convaincre par là qu’il faisait la grande noce. Dès que le comte entra, il déboutonna le col de sa chemise, glissa ses jambes encore plus haut sur la table. En général, à l’arrivée du comte, l’orgie s’anima.

Les tziganes qui s’étaient dispersées dans les chambres, de nouveau s’assirent en cercle. Le comte prit la soliste Stiochka sur ses genoux et ordonna d’apporter encore du champagne. Iluchka prenant sa guitare se plaça devant la soliste et commença la danse, c’est-à-dire les chansons tziganes. « Quand j’erre dans la rue », « Eh ! vous, les hussards !… », « Entends-tu, comprends-tu ?… » etc., en certain ordre. Stiochka chantait admirablement. Sa voix de contralto flexible, sonore, coulait de sa poitrine, ses sourires pendant qu’elle chantait, ses yeux souriants et passionnés et le petit pied qui remuait involontairement en cadence, son cri déchirant au commencement de la chanson, tout cela faisait vibrer une corde sonore rarement effleurée. On voyait qu’elle vivait toute dans les chansons qu’elle chantait. Iluchka, par son sourire, son dos, ses jambes, par tout son être, s’accordait avec la chanson, l’accompagnait sur la guitare, les regards fixés sur elle comme s’il entendait cette chanson pour la première fois, et attentivement, soigneusement en mesure de la chanson, inclinait et soulevait la tête. Ensuite, tout à