Aller au contenu

Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol4.djvu/385

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jours bons à prendre. Il faut être pratique dans la vie, autrement on sera toujours un imbécile.

Polozov se tut, en outre il voulait penser à Lisa qui lui paraissait une nature extraordinairement pure et belle. Il se déshabilla et se coucha dans le lit moelleux, propre, qui lui était préparé.

« Les honneurs, la gloire militaire, quelle bêtise ! — pensa-t-il en regardant la fenêtre couverte d’un châle à travers quoi glissaient les rayons pâles de la lune. — Vivre dans un coin paisible, avec une femme charmante, intelligente, simple, voilà le bonheur ? Voilà le bonheur vrai, solide ! »

Mais il ne communiqua rien de ses pensées à son ami et ne prononça pas même le nom de la demoiselle de campagne, malgré sa conviction que le comte y pensait aussi.

— Pourquoi ne te déshabilles-tu pas ? — demanda-t-il au comte qui se promenait dans la chambre.

— Je ne veux pas encore dormir. Éteins la chandelle si tu veux. Je me coucherai comme ca.

Et il continua à marcher de long en large.

— Il ne veut pas encore dormir, — répéta Polozov, se sentant, après la soirée d’aujourd’hui, encore plus mécontent de l’influence du comte, et disposé à se révolter contre lui : « J’imagine, — se disait-il, pensant à Tourbine, — j’imagine quelles idées errent maintenant dans ta tête pommadée. J’ai remarqué qu’elle te plaisait. Mais tu n’es pas capable de comprendre cette créature simple et