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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol4.djvu/91

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Celui qui ne l’a pas éprouvé ne peut s’imaginer le plaisir que ressent un homme à s’en aller après trois heures de bombardement, d’un endroit aussi dangereux que les logements. Mikhaïlov, qui pendant ces trois heures avait craint plusieurs fois et non sans fondement sa fin inévitable, s’était habitué à l’idée qu’il serait certainement tué et que déjà il n’était plus de ce monde. Cependant, malgré cela, il lui fallut faire un effort pour empêcher ses jambes de courir, quand, devant la compagnie, à côté de Praskoukhine, il sortit des logements.

— Au revoir, — lui cria le major, commandant de l’autre bataillon qui restait aux logements et avec qui, assis dans de petits creux du parapet, il mangeait du fromage. — Bon voyage !

— Je vous souhaite une heureuse défense ! On dirait que c’est calmé, maintenant.

Mais à peine avait-il prononcé ces paroles que l’ennemi, remarquant sans doute un mouvement du côté des logements, commença un tir de plus en plus rapide. Les nôtres lui répondirent, et une canonnade très forte recommença. Les étoiles étaient très hautes mais peu brillantes. La nuit était noire, seuls les feux des coups et l’éclat des bombes illuminaient pour un moment les divers objets. Les soldats se hâtaient silencieux et se dépassaient involontairement l’un l’autre. Dans les éclats perpétuels des coups on n’entendait que le bruit régulier