Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol5.djvu/151

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chassé du théâtre ? Comment Anna Ivanovna voulait l’envoyer à la police ? »

— « Mon Dieu, tout cela est vrai, mais défends-moi, toi seul sais pourquoi j’ai fait cela — prononçait Albert. »

— « Cessez, ayez honte — reprit de nouveau la voix de Pétrov. — Quel droit avez-vous de l’accuser ? Avez-vous vécu sa vie ? Avez-vous éprouvé son enchantement ? »

— « C’est vrai, c’est vrai — chuchotait Albert. »

« L’art est la plus grande manifestation de la puissance humaine, il est le privilège de rares élus qu’il élève à une hauteur où la tête tourne et où il est difficile de se tenir indemne. Dans l’art comme dans toute lutte, il y a des héros qui se donnent tout entiers à son service et se perdent sans atteindre le but. »

Pétrov se tut et Albert, soulevant la tête, cria à haute voix : « C’est vrai ! c’est vrai ! » mais sa voix s’éteignit sans un son.

« Cela ne vous concerne pas, — lui dit sévèrement le peintre Pétrov. — Oui, humiliez-le, méprisez-le — mais de nous tous c’est le meilleur et le plus heureux ! »

Albert qui, avec le bonheur dans l’âme, écoutait ces paroles, ne pouvait se retenir de s’approcher de son ami et voulait l’embrasser.

— « Va-t’en, je ne te connais pas, — répondit