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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol5.djvu/181

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grands yeux bons, regardait le petit homme et ramassa son chapeau qui, pendant la conversation était tombé du banc. J’ai observé que les chanteurs, les acrobates, même les magiciens qui voyagent, aiment à s’appeler artistes, c’est pourquoi je fis comprendre, plusieurs fois, que mon interlocuteur était un artiste ; mais il ne se reconnaissait nullement ce titre et considérait son travail comme un simple moyen de vivre. Quand je lui demandai si lui-même composait les chansons qu’il chantait, il s’étonna d’une question si étrange et répondit que non, que toutes ces chansons n’étaient que de vieilles tyroliennes.

— Comment donc, la chanson du Righi n’est pas vieille ? dis-je.

— Oui, il y a déjà quinze ans qu’elle est composée. Il y avait à Bâle un Allemand, l’homme le plus intelligent qui fût. C’est lui qui l’a composée. Une belle chanson ! Voyez-vous, il l’a composée pour les voyageurs.

Et en les traduisant en français, il se mit à me réciter les paroles de la chanson du Righi qu’il aimait tant.

Si tu veux aller au Righi,
Pas de souliers jusqu’à Weggis,
(Parce qu’on y va sur le bateau.)
Et à Weggis prends un grand bâton
Sous le bras, prends une fille,