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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol5.djvu/241

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et sourit. Son regard disait qu’il faudrait me gronder mais qu’il n’en avait pas le courage.

— Il n’y a rien ?… Nous sommes encore des amis ? — dis-je en m’asseyant au piano.

— Sans doute, — dit-il.

Dans la salle vaste et haute il n’y avait que deux bougies au piano, le reste de la pièce était dans une demi-obscurité. La nuit claire d’été brillait dans les fenêtres ouvertes. Tout était calme, seuls les pas de Katia criaient dans le salon sombre, et le cheval attaché sous la fenêtre s’ébrouait et piaffait sur les ronces. Il était assis derrière moi, de sorte que je ne le voyais pas, mais partout, dans la demi-obscurité de cette chambre, dans les sons, en moi-même, je sentais sa présence. Chaque regard, chaque mouvement que je ne voyais pas se reflétait dans mon cœur. Je jouais la sonate fantaisie de Mozart qu’il m’avait apportée et que j’avais étudiée devant lui et pour lui. Je ne pensais pas du tout à ce que je jouais, il me semble pourtant que je jouais bien et que cela lui plaisait. Je sentais le plaisir qu’il éprouvait et, sans les voir, les regards qui, de derrière, étaient fixés sur moi. Tout à fait malgré moi, en continuant à remuer les doigts machinalement, je me retournai vers lui. Sa tête se détachait du fond clair de la nuit. Lui-même était assis, la tête appuyée dans ses mains, et me fixait avec des yeux brillants. Je souris en apercevant ce regard et cessai de jouer. Il sourit aussi,