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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol5.djvu/321

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qui composaient l’atmosphère joyeuse de la vie qui m’entourait. Un seul parmi eux, le marquis italien D… attirait mon attention plus que les autres par sa hardiesse et son expression d’enthousiasme devant moi. Il ne manquait pas une seule occasion d’être avec moi, de danser, monter à cheval, aller au Casino, etc., et de me dire que j’étais belle. Plusieurs fois, à travers ma fenêtre, je le voyais près de notre maison et souvent, le regard désagréablement fixe de ses yeux brillants me faisait rougir et me détourner. Il était jeune, beau, élégant, et principalement, par son sourire et la forme de son front, il ressemblait à mon mari, mais en beaucoup mieux. Cette ressemblance me frappait en lui, bien qu’en général, dans ses lèvres, son regard, son menton allongé, au lieu du charme, de l’expression de bonté et du calme idéal de mon mari, il y eût en lui quelque chose de grossier, de bestial. Je supposais alors qu’il m’aimait passionnément et, avec une pitié fière, parfois je pensais à lui. Parfois, je voulais le calmer, l’amener au ton de confiance demi-amical, raisonnable ; mais lui, repoussait durement ces tentatives et continuait à me gêner désagréablement avec sa passion contenue, mais à chaque moment prête d’éclater. Sans me l’avouer, j’avais peur de cet homme, et malgré moi, souvent, je pensais à lui. Mon mari le connaissait, et se montrait envers lui encore plus froid et dédaigneux qu’envers les autres connaissances