Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol5.djvu/45

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ici, toute la nuit, dans la gelée et la tourmente, dans une steppe toute dénudée, comme cette partie du territoire des Cosaques du Don, ne me semblait pas non plus très gai. En outre, malgré que dans l’obscurité je ne pusse bien distinguer sa figure, mon postillon, je ne sais pourquoi, ne me revenait pas et ne m’inspirait pas confiance. Il était assis au beau milieu du siège et non de côté. Il avait une taille trop grande. Sa voix était nonchalante, son bonnet n’était pas celui d’un postillon : grand, chancelant de tous côtés, et il ne stimulait pas les chevaux comme il faut, mais tenait les guides à deux mains, comme un valet qui s’est assis sur le siège pour remplacer le cocher ; et principalement je me méfiais de lui parce qu’un mouchoir enveloppait ses oreilles. En un mot ce dos sérieux, voûté, qui se trouvait devant moi ne me plaisait pas et je n’en attendais rien de bon.

— Selon moi, il vaudrait mieux retourner, — me dit Aliochka, — il n’y a rien d’amusant à errer.

— Dieu seigneur ! En voilà de la neige ! On ne voit rien de la route, les yeux sont tout à fait aveuglés… Oui, petit père, — marmonnait le postillon.

Nous n’avions marché qu’un quart d’heure quand le postillon, arrêtant les chevaux, transmettait les guides à Aliochka, retirait maladroitement ses jambes du siège, et, faisant craquer la neige