Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol5.djvu/99

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grise et saluant bas, — toute la nuit nous avons erré, cherché la route, alors ce serait bien si vous m’offriez un quart ; vrai, petit père, Votre Excellence ! Autrement je n’ai rien pour me réchauffer, — ajouta-t-il avec un sourire obséquieux.

Je lui donnai vingt-cinq kopeks. Le cabaretier apporta un verre et l’offrit au vieux. Il ôta sa moufle, posa son fouet et tendit sa petite main noire, hâlée, aux veines bleues. Mais le pouce ne lui obéissait pas, il ne put tenir le verre et en répandant le vin laissa tomber le verre dans la neige.

Tous les postillons éclatèrent de rire.

— Vois-tu comme il est gelé, Mitritch. Il ne peut même tenir le vin !

Mitritch était navré d’avoir renversé le vin.

Cependant on lui en donna un autre verre qu’on lui versa dans la bouche. Aussitôt il devint gai, courut dans le cabaret, alluma sa pipe, montra ses dents jaunes, rongées, et après chaque parole proférait des injures. Ayant bu un dernier verre, les postillons retournèrent à leurs troïkas et nous partîmes.

La neige devenait de plus en plus blanche et claire, si bien qu’on avait mal aux yeux à la regarder ; les bandes orangées et rouges se dissipaient de plus en plus haut et plus claires dans le ciel ; à l’horizon on apercevait même le disque