Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol6.djvu/116

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dans le coin d’Akoulina. Madame s’approcha d’Akoulina et lui prit la main. Akoulina la retira brusquement.

Les vieux domestiques hochaient la tête d’un air peu approbateur.

— Akoulina, tu as des enfants, aie pitié d’eux, — dit madame.

Akoulina éclata de rire et se leva.

— Mes enfants sont tout d’argent, tout d’argent… Je ne tiens pas de papiers, — murmurait-elle très vite. — Je disais à Ilitch, ne prends pas de papiers, et voilà : on l’a graissé, on l’a graissé de goudron. Du goudron et du savon, madame, et tous les poux, tant qu’il y en aura, s’en iront tout de suite. — Et de nouveau, elle éclatait de rire.

Madame se tourna, et demanda qu’on allât chercher l’infirmier et de la moutarde. « Donnez de l’eau froide » ; et elle-même se mit à chercher de l’eau.

Mais en apercevant le cadavre de l’enfant devant qui était la vieille Anna, Madame se détourna, et tous la virent se couvrir de son fichu et pleurer. Et la vieille Anna (c’est dommage que la maîtresse ne l’ait pas vue, elle l’eût appréciée, et du reste c’était fait dans cette intention) couvrit l’enfant d’un morceau de toile ; de sa main grossière, habile, elle rangea les petites mains, et hocha la tête, pinça les lèvres, cligna les yeux et soupira d’une telle façon que chacun pouvait voir son bon cœur. Mais