Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol6.djvu/144

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bien, Dieu soit avec toi ! » prononça-t-il tout à coup en frappant la main du propriétaire et se haussant vers lui de tout son corps : — « Soit ! prends avec cinquante. Prépare le reçu, amène le garçon et maintenant les arrhes ? Deux billets rouges, c’est assez ? »

Et Doutlov ôta sa ceinture et tira l’argent. Le propriétaire, bien qu’il n’ôtât pas sa main, ne paraissait pas tout à fait consentir, et sans prendre les arrhes, il marchandait le pourboire et le régal pour le remplaçant.

— Ne fais pas de péché, — dit Doutlov, en lui fourrant l’argent. — Nous mourrons tous ! — fit-il d’un ton si doux et si convaincu que le propriétaire dit :

— Allons-y ! Il frappa encore une fois dans la main, et se mit à prier : « Que Dieu soit avec nous ! » prononça-t-il.

On éveilla le remplaçant qui dormait depuis la beuverie de la veille, et ne savait pas pourquoi on l’avait examiné. Tous allèrent au bureau. Le remplaçant était gai ; il demandait du rhum pour se remettre. Doutlov lui donna de l’argent. Il ne ressentit un peu de peur que dans le vestibule de la chancellerie. Ils y restèrent longtemps ; le vieux propriétaire, en caftan bleu, et le remplaçant en demi-pelisse courte, les sourcils levés, les yeux grands ouverts, chuchotèrent longtemps, cherchant quelqu’un. Ils ôtaient leur chapeau devant