Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol6.djvu/156

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— Hou ! Tu auras le temps ; as-tu déjà faim ? — dit le vieux palefrenier en ouvrant rapidement la large porte grinçante. — Où vas-tu ? ajouta-t-il en faisant un geste contre une jument qui voulait franchir la porte.

Le palefrenier Nester était vêtu d’une casaque ceinte avec une courroie à plaques de cuivre ; son fouet pendait derrière son épaule ; du pain, enveloppé dans une serviette était attaché derrière sa ceinture. Il tenait dans les mains une selle et un bridon.

Les chevaux n’étaient ni effrayés ni offensés du ton moqueur du palefrenier ; ils feignirent l’indifférence, et, sans se hâter, s’éloignèrent de la porte cochère. Seule la vieille jument bai-foncé, à la longue crinière, aplatit l’oreille et se détourna rapidement.

À cette occasion, une petite et jeune jument, qui était derrière et n’avait rien à faire ici, poussa un cri et lança une ruade au premier cheval qui se trouva sur son chemin.

— Hou ! cria le palefrenier d’une voix encore plus haute et plus menaçante ; et il se dirigea vers un coin de la cour.

De tous leschevaux qui se trouvaient dans la cour d’élevage (il y en avait près de cent), le moins impatient était un hongre pie. Il restait seul dans un coin, sous l’auvent, et les yeux demi-fermés, il léchait le chêne du hangar. On ne sait quel goût y trouvait le hongre pie, mais, en faisant cela, il avait l’air sérieux et réfléchi ;