Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol6.djvu/179

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à coup ma mère se retourna vers la porte grillée et, soulevant sa patte au-dessus de moi, se recula. Le palefrenier du service de jour regardait dans notre écurie à travers la grille.

— En voilà… Baba a mis bas, dit-il, et il poussa le verrou. Il passa sur la paille fraîche et m’enlaça de ses mains. — Regarde Tarass ! il est pie comme une pie ! — cria-t-il. Je me dégageai et tombai sur les genoux.

— En voilà un petit diable ! — prononça-t-il. Ma mère s’inquiéta, mais n’essaya pas de me défendre et seulement, en soupirant lourdement, lourdement, se recula un peu de côté. Les palefreniers arrivèrent et se mirent à me regarder. L’un d’eux courut annoncer le fait au palefrenier chef.

Tous riaient en regardant mes taches pies et me donnaient divers noms étranges. Non seulement je ne comprenais pas ce que signifiaient ces mots, mais ma mère non plus. Jusqu’ici, parmi tous nos parents il n’y avait pas eu un seul pie ; mais nous ne pensions pas qu’il y eût à cela quelque chose de mauvais. Et tout le monde louait ma corpulence et ma force.

— Ah ! comme il est vif, — dit le palefrenier, — on ne peut pas le retenir.

Bientôt après le chef palefrenier était là et examinait mon pelage ; il semblait même attristé.

— Qu’est-ce qui nous a donné un tel monstre ! dit-il. Le général ne le laissera pas dans le