Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol6.djvu/246

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— Nous verrons lesquels abandonneront les autres, — répondit Sonia en jetant un regard rapide sur sa mère, comme si elle avait honte de parler devant elle. — Nous verrons qui abandonnera les autres. Je ne le crains ni pour moi ni pour Sérioja !

Serge marchait dans la chambre et se demandait comment faire pour le costume qu’il devait se commander le lendemain : aller chez le tailleur ou le faire venir ? La conversation de Sonia avec son père ne l’intéressait pas ! Sonia rit.

— Qu’as-tu ? Quoi ? — demanda le père.

— Tu es plus jeune que nous, papa. Oui, beaucoup plus jeune. — Elle rit de nouveau.

— Comment ! — fit le vieux ; et ses rides sévères se plissaient dans un sourire tendre et à la fois dédaigneux.

Natalia Nikolaïevna se pencha d’un côté du samovar qui l’empêchait de voir son mari.

— Sonia a raison. Tu as toujours seize ans, Pierre. Sérioja est plus jeune de sentiments, mais dans l’âme tu es plus jeune que lui. Je peux prévoir ce qu’il fera, mais toi, tu peux encore m’étonner.

Le vieux acquiesçait-il à cette remarque, en était-il flatté, mais il ne savait que répondre, et, en silence, il fuma, but du thé. Ses yeux seuls brillaient. Sérioja, avec l’égoïsme habituel de la jeunesse, s’intéressa à la conversation au moment où