Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol6.djvu/250

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette chambre je vous conseille de n’y pas entrer, mais d’y jeter un regard dérobé, en faisant semblant de prendre une tartine. Autrement vous seriez bien gêné du silence interrogateur et des regards que fixeraient sur vous les habitués qui sont dans la chambre, et sans doute que, par gêne, vous iriez bien vite à une des tables de la grande salle ou dans le jardin d’hiver. Personne ne vous empêcherait de faire cela ; les tables sont pour tout le monde, et là-bas, dans la solitude, vous pourriez appeler le garçon et commander autant de truffes qu’il vous plairait.

La salle où est la Française existe pour la jeunesse dorée de Moscou privilégiée, et il n’est pas si facile qu’il vous semble d’être des élus.

En entrant dans cette chambre, M. Chevalier apprit à sa femme que le monsieur de la Sibérie était très ennuyeux, que son fils et sa fille étaient de braves jeunes gens, tels qu’on peut seulement les élever en Sibérie.

— Si vous voyiez la fille, quelle rose !

— Oh ! il aime les petites filles fraîches, ce vieux, — dit un des hôtes qui fumait le cigare. (Naturellement la conversation était en français, mais je la transcris en russe, ce que je ferai toujours au cours de cette histoire.)

— Oui, je les aime beaucoup ! — répondit M. Chevalier. — Les femmes, c’est ma passion. Vous ne le croyez pas ?