Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol6.djvu/58

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tiocinaient les gens. Sa dernière affaire était celle de la pendule du bureau, une vieille pendule qui ne marchait plus depuis longtemps. Une fois, par hasard, il entra seul dans le bureau ouvert. Cette pendule le tenta, il la prit et la vendit en ville. Par un fait exprès, le marchand qui acheta la pendule était parent d’une domestique, et, pendant les fêtes, il vint au village et parla de la pendule. On commença à chercher, comme si c’était nécessaire à quelqu’un. L’intendant, surtout, n’aimait pas Polikeï, et l’on trouva. Madame fut informée de l’affaire ; elle appela Polikeï. Il tomba à genoux aussitôt, et avoua tout d’une façon touchante, comme sa femme lui avait appris à le faire.

Ce fut très bien. Madame se mit à le sermonner puis parla, parla, admonesta, invoqua Dieu, la vertu, la vie future, la femme, les enfants, et l’amena jusqu’aux larmes. Madame lui dit :

— Je te pardonne, mais promets-moi que tu ne le feras plus jamais.

— Je ne le ferai jamais ! Que je disparaisse ! Qu’on m’arrache les entrailles ! dit Polikeï. Et il pleurait pitoyablement.

Polikeï, revenu à la maison, brailla toute la journée comme un petit veau, et resta sur le poêle. Depuis, on n’eut rien à lui reprocher. Mais sa vie n’était plus gaie. Les gens le regardaient comme un voleur, et, quand vint l’époque de l’enrôlement, tout le monde le désigna.