Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol6.djvu/70

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(Il se tut et de nouveau le même sourire s’arrêta sur son visage). Je sais bien comment il faut causer avec eux, quand j’étais à la corvée… Le maître arrive, bondit, mais je n’avais qu’à lui parler, il se calmait tant, qu’il devenait comme du velours.

— C’est beaucoup d’argent ? — demanda Akoulina.

— Trois fois un demi-millier de roubles, — répondit négligemment Polikeï.

Elle hocha la tête.

— Quand faut-il partir ?

— Elle a dit demain. « Prends, dit-elle, le cheval que tu veux, va au bureau, et que Dieu t’accompagne. »

— Dieu soit loué ! — prononça Akoulina en se levant et se signant. — Que Dieu t’aide, Ilitch, — murmura-t-elle pour ne pas être entendue derrière la cloison. Et le retenant par la manche de sa chemise : — Ilitch, écoute-moi ; je te supplie, au nom du Christ, quand tu partiras, baise la croix en jurant que tu ne boiras une seule goutte.

— Tu crois que je boirai avec tant d’argent ! Là-bas, comme il y a quelqu’un qui joue du piano … C’est chic ! ajouta-t-il après un court silence et en souriant. — C’est sans doute la demoiselle. J’étais debout devant elle, devant madame, sur le seuil, et la demoiselle de l’autre côté de la porte. Elle se mit à jouer, elle se mit à jouer ; c’est si beau ! Je