Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol6.djvu/73

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Beaucoup de voix parlaient ensemble, la plus haute était celle de Fedor Riézoune, le charpentier. Il y avait dans sa famille deux travailleurs, et il tombait sur les Doutlov. Le vieux Doutlov se défendait. Il vint devant la foule, derrière laquelle il se tenait auparavant, et, tout suffocant, les bras largement écartés, ou tirant sa petite barbiche, il s’engouait si souvent qu’il lui était difficile de comprendre lui-même ce qu’il disait. Ses enfants et ses neveux, tous de beaux garçons, se serraient près de lui et le vieux Doutlov rappelait la poule dans le jeu du milan et des poussins. Le milan c’était Riézoune, et non Riézoune seul mais tous ceux qui ne comptaient que deux travailleurs ou un seul par famille : presque toute l’assemblée tombait sur Doutlov. Il s’agissait de ceci : le frère de Doutlov, trente ans avant, avait été enrôlé, c’est pourquoi, Doutlov ne voulait pas être compris parmi les familles de trois travailleurs ; il voulait qu’on tint compte du service de son frère et qu’on le rangeât dans le sort commun parmi les familles de deux travailleurs, et qu’on choisit parmi celles-ci la troisième recrue. Outre Doutlov, il y avait encore quatre familles de trois travailleurs ; mais l’un d’eux était starosta[1]. et la maîtresse l’avait dispensé ; une autre famille, lors du dernier enrôlement, avait fourni une recrue,

  1. L’ancien du village.