Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol6.djvu/80

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cadavre quelconque. Et les deux paysans se dirent des choses si horribles, que si la centième partie eût été vraie, selon les lois, tous deux eussent été, pour le moins, déportés en Sibérie.

Pendant ce temps, le vieux Doutlov avait choisi un autre moyen de défense. Les cris de son fils lui déplaisaient. Il l’arrêta et lui dit : « C’est un péché, laisse ! » Et lui-même prouvait que les familles de trois travailleurs n’étaient pas seulement celles qui avaient trois fils ensemble, mais aussi celles dont les fils vivaient séparés, et il désigna encore Starostine.

Starostine sourit un peu, toussota, et, en caressant sa barbe, à la manière d’un riche paysan, il répondit que c’était la volonté du maître, et que si son fils était libéré, c’est sans doute qu’il l’avait mérité. Quant aux familles partagées, Guérassime anéantit, aussi le raisonnement de Doutlov, en faisant observer qu’il fallait leur défendre de se séparer, comme du temps des vieux seigneurs : après l’été, on ne va pas chercher la framboise, et en tout cas, on ne peut maintenant enrôler les fils uniques.

— Est-ce par plaisir qu’on se sépare ? Pourquoi donc nous ruiner tout à fait maintenant ! — disaient les voix des travailleurs séparés !… Et les bavards se joignaient à eux.

— Eh ! rachète un homme si ca ne te plaît pas ! Tes moyens te le permettent ! — dit Riézoune à Doutlov.