Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol7.djvu/37

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à commencer par le regard fatigué et ennuyé, jusqu’au pas lent et égal, présentait le contraste le plus frappant avec sa petite femme si animée. Évidemment il connaissait tous ceux qui étaient au salon et déjà ils l’ennuyaient tant qu’il lui était très désagréable de les regarder et de les écouter. Et de toutes les physionomies, celle qui semblait l’ennuyer le plus était celle de sa jolie femme. Avec une grimace qui gâtait son joli visage, il se détourna d’elle. Il baisa la main d’Anna Pavlovna, et, en clignant des yeux, il regarda toute la société.

Vous vous enrôlez pour la guerre, mon prince ? lui demanda Anna Pavlovna.

Le général Koutouzoff, — dit Bolkonskï, en accentuant la dernière syllabe zoff comme un Français, — a bien voulu de moi pour aide de camp

Et Lise, votre femme ?

— Elle ira à la campagne.

— C’est un grand péché de nous priver de votre charmante femme !

— André, — dit celle-ci, en s’adressant à son mari du même ton coquet qu’elle prenait pour s’adresser aux étrangers, — quelle histoire nous a racontée le vicomte sur mademoiselle George et Bonaparte !

Le prince André ferma les yeux et se détourna. Pierre, qui depuis l’entrée du prince André au salon, n’avait pas détaché de lui son regard joyeux et amical, s’approcha et lui prit la main. Le