Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol8.djvu/178

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l’autre rive de l’océan de brouillard on voyait les collines boisées où devait se trouver l’armée ennemie, et on y apercevait quelque chose.

À droite, en pénétrant dans le brouillard, la garde laissait derrière elle un bruit de pas et de roues, et des baïonnettes brillaient de temps en temps.

À gauche, derrière le village, les mêmes masses de cavalerie s’avancaient et se perdaient dans le brouillard. Devant et derrière marchait l’infanterie. Le général en chef se tenait à la sortie du village, les troupes défilaient devant lui. Ce matin-là, Koutouzov paraissait fatigué et agacé. L’infanterie qui passait devant lui s’arrêta sans ordre, évidemment quelque chose faisait obstacle devant elle.

— Mais dites enfin qu’on se fractionne en bataillons et qu’on fasse le tour du village, — dit avec colère Koutouzov, à un général qui s’approchait. — Vous ne comprenez donc pas, monsieur votre excellence, qu’on ne peut s’allonger en file dans les rues d’un village, quand on marche contre l’ennemi.

— J’avais pensé me former derrière le village. Votre haute Excellence, — répondit le général.

Koutouzov sourit aigrement.

— Vous serez bon, très bon, de développer le front en face de l’ennemi.

— L’ennemi est encore loin, Votre haute Excellence, selon la disposition…