Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol8.djvu/18

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Parmi ses amis célibataires d’autrefois, beaucoup n’étaient plus à Pétersbourg. La garde était partie à la guerre, Dolokhov était dégradé, Anatole était à l’armée en province, le prince André à l’étranger ; aussi Pierre ne passa-t-il plus de nuits comme il aimait à le faire auparavant ; de même il ne soulageait plus son âme dans la conversation amicale avec son ami plus âgé et estimé. Tout son temps passait aux dîners, aux bals et principalement chez le prince Vassili dans la société de la grosse princesse sa femme et de la belle Hélène.

L’attitude d’Anna Pavlovna Schérer envers Pierre, s’était modifiée comme celle de toute la société.

Auparavant, Pierre, en présence d’Anna Pavlovna, sentait toujours que ce qu’il disait était inconvenant, maladroit, inopportun, que les propos qu’il jugeait sages, alors qu’il les formulait en pensée, devenaient sots dès qu’il les émettait à haute voix, et qu’au contraire, les paroles les plus sottes d’Hippolyte devenaient spirituelles et charmantes. Maintenant, quoi qu’il pût dire, tout était charmant. Si même Anna Pavlovna ne disait pas cela, il voyait qu’elle voulait le dire et qu’elle ne se retenait que pour épargner sa modestie.

Au commencement de l’hiver 1805-1806, Pierre reçut d’Anna Pavlovna l’habituel billet rose avec l’invitation à laquelle il était ajouté : Vous trou-