Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol8.djvu/298

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— On ne peut pas, on ne peut pas, prononça une voix effrayée.

Il se mit à marcher dans la chambre. Les cris cessèrent. Quelques secondes s’écoulèrent. Tout à coup un cri terrible — pas le sien, elle ne pouvait crier ainsi ! — éclata dans la chambre voisine. Le prince accourut à la porte. On n’entendait plus que les vagissements d’un enfant.

« Pourquoi a-t-on apporté l’enfant ? pensa au premier moment le prince André. L’enfant ? Lequel ? Pourquoi est-il là-bas ? Est-ce un nouveau-né ? »

Et tout à coup, il comprit toute la signification joyeuse de ce cri. Les larmes l’étouffaient. Il s’accouda sur le bord de la fenêtre et se mit à pleurer comme un enfant. La porte s’ouvrit. Le docteur, les manches de chemise relevées, sans veston, pâle, la mâchoire tremblante, sortit de la chambre en chancelant. Le prince André s’adressa à lui. Le docteur le regarda tristement et, sans prononcer un mot, passa devant lui.

Une femme sortit. En apercevant le prince André, elle resta perplexe sur le seuil. Il entra dans la chambre de sa femme. Elle était morte, allongée comme il l’avait vue cinq minutes avant. Et la même expression, malgré ses yeux fixes et la pâleur des joues, restait sur ce visage charmant, enfantin, avec la petite lèvre ombrée d’un duvet noir.

« Je vous aime tous et n’ai fait de mal à per-