Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol8.djvu/356

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prendre… Durant des siècles, depuis Adam jusqu’à nos jours, on travaille pour le comprendre et nous sommes encore bien loin d’atteindre ce but. Mais dans cette incompréhension, nous ne voyons que notre faiblesse et sa grandeur…

Pierre, avec un battement de cœur, en regardant avec des yeux brillants le visage du maçon, l’écoutait sans l’interrompre, sans l’interroger, et de toute son âme croyait à ce que lui disait cet étranger. Croyait-il aux preuves qui étaient dans les paroles du maçon, ou croyait-il, comme le font les enfants, grâce à l’intonation, à la conviction et à la cordialité qui se dégageaient de ses paroles, aux vibrations de la voix, parfois presque entrecoupée, aux yeux brillants, séniles, vieillis dans cette conviction, ou à ce calme à la fermeté, ou à la conscience de sa destination, qui se réflétait dans tout son être et qui le frappait particulièrement par contraste avec son atonie morale et son désespoir ? mais, de toute son âme, il désirait croire et croyait, il éprouvait le sentiment joyeux du calme, de la rénovation, du retour à la vie.

— Ce n’est pas par l’esprit qu’on le comprend, c’est la vie qui le fait comprendre, dit le maçon.

— Je ne comprends pas, — dit Pierre avec crainte en sentant le doute s’élever en lui. Il craignait le vague et la faiblesse du raisonnement de son interlocuteur ; il craignait de ne pas le croire. — Je ne comprends pas, dit-il, comment