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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol8.djvu/427

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— Te voilà ! Je n’attendais pas ! Très heureux, dit le prince André.

Pierre, étonné, ne disait rien ; sans détourner les yeux, il regardait son ami. Il était frappé du changement qui s’était fait en lui. Les paroles du prince André étaient aimables, le sourire se montrait sur ses lèvres et sur son visage, mais le regard était éteint, mort ; évidemment, malgré tout son désir, le prince André ne lui pouvait donner un éclat joyeux, gai.

Ce n’était pas que son ami eût maigri, pâli, vieilli, mais le regard et les petites rides sur le front, qui indiquaient une longue concentration sur une seule chose, frappaient et éloignaient Pierre jusqu’à ce qu’il y fût habitué.

À cette rencontre après une longue séparation, comme il arrive toujours, la conversation, de longtemps, ne pouvait s’établir. Ils s’interrogeaient et se répondaient brièvement sur des choses qui demandaient, ils le savaient eux-mêmes, un long entretien. Enfin la conversation commença peu à peu à s’engager sur ce qu’ils avaient dit d’abord brièvement ; sur la vie passée, les plans d’avenir, le voyage de Pierre, ses occupations, la guerre, etc. La concentration et la fatigue morale que Pierre avait remarquées dans le visage du prince André, s’exprimaient maintenant encore plus fort dans le sourire avec lequel il écoutait Pierre, surtout quand Pierre parlait avec anima-