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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol8.djvu/480

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jambe pliée, l’autre manquait jusqu’au-dessus du genou. Un voisin assez éloigné du vieillard était couché immobile, la tête renversée : c’était un jeune soldat ; une pâleur cireuse couvrait son visage au nez rond, rousselé ; les yeux étaient tournés sous les paupières. Rostov regarda le soldat au nez rond et un frisson parcourut son dos.

— Mais on dirait que celui-ci… fit-il à l’infirmier.

— Combien nous l’avons déjà demandé, Votre Noblesse… Il est mort depuis ce matin. Enfin nous sommes des hommes et pas des chiens… — prononça le vieux soldat avec un tremblement de la mâchoire inférieure.

— J’enverrai tout de suite. On l’enlèvera, fit hâtivement l’infirmier, s’il vous plaît, Votre Noblesse.

— Allons, allons, — prononça vivement Rostov ; en baissant les yeux, se serrant, et tâchant de passer inaperçu parmi ces yeux pleins de reproches et d’envie fixés sur lui, il sortit de la chambre.