Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol9.djvu/109

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reculer. Quelques dames, dont les visages exprimaient l’oubli complet de toute convenance mondaine, écrasaient leurs toilettes pour se mettre en avant. Les messieurs s’approchaient des dames et des couples se formaient pour la polonaise.

Tous s’écartaient et l’empereur, souriant, donnant la main à la maîtresse de la maison et marchant à contre-mesure, franchit la porte du salon.

Derrière suivait le maître de la maison avec madame M. A. Narischkine, puis les ambassadeurs, les ministres, des généraux que nommait sans cesse mademoiselle Peronskaïa. Plus de la moitié des dames, avec leurs cavaliers, dansaient ou se préparaient à danser la polonaise. Natacha vit qu’elle allait rester avec sa mère et Sonia dans le petit groupe de dames serrées contre le mur et qu’on n’avait pas invitées pour la polonaise. Elle était debout, ses bras minces ballants, sa poitrine à peine formée qui se soulevait régulièrement, retenant sa respiration. Elle regardait devant elle de ses yeux brillants, effrayés, avec l’expression d’attente de la plus grande joie ou du plus grand malheur. Ni l’empereur, ni tous les autres personnages que désignait mademoiselle Peronskaïa ne l’occupaient. Elle n’avait qu’une pensée : « Est-ce que personne ne s’approchera de moi ? ne danserai-je pas parmi les premières ? Est-ce que tous ces messieurs qui maintenant semblent ne pas me voir et s’ils me regardent ont l’air de dire : « Ah !