Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol9.djvu/125

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table et burent du porto. Au milieu de la conversation engagée sur les affaires espagnoles de Napoléon, que tous approuvaient unanimement, le prince André commença à les contredire. Spéransky sourit, et, désirant visiblement changer de sujet, il raconta une anecdote qui n’avait aucun rapport avec la conversation. Pour un moment tous se turent.

Encore à table, Spéransky boucha la bouteille de vin et dit : « Aujourd’hui, le bon vin est très rare ». Puis il le donna au valet et se leva. Tous se levèrent et, en causant bruyamment, passèrent au salon. On remit à Spéransky deux messages apportés par le courrier. Il les prit et passa dans son cabinet. Dès qu’il fut sorti, la gaité générale tomba et les hôtes, devenus raisonnables, se mirent à causer entre eux à mi-voix.

— Eh bien, maintenant, la déclamation ! dit Spéransky en sortant de son cabinet. C’est un remarquable talent, fit-il au prince André.

Aussitôt, Magnitzkï prenant une pose, se mit à déclamer des vers humoristiques, français, qu’il avait composés sur certains personnages de Pétersbourg. Plusieurs fois il fut interrompu par les applaudissements.

La déclamation terminée, le prince André s’approcha de Spéransky pour lui dire adieu.

— Où allez-vous si tôt ? lui demanda-t-il.

— J’ai promis à une soirée…