Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol9.djvu/153

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Trois semaines s’écoulèrent ainsi. Natacha ne voulait se montrer nulle part et errait dans sa chambre comme une ombre, oisive et désolée. Le soir, en cachette de tous, elle pleurait et n’allait pas chez sa mère. À chaque instant elle rougissait et s’énervait. Elle s’imaginait que tous connaissaient son dépit et se moquaient d’elle ou la plaignaient. Jointe à toute l’intensité de sa douleur intime, la blessure de l’amour-propre augmentait encore son malheur.

Un jour elle vint chez la comtesse, pour lui dire quelque chose, et, tout à coup, elle se mit à pleurer. Ses larmes coulaient comme celles d’un enfant humilié qui ne sait lui-même pourquoi il est puni.

La comtesse se mit à la calmer. Natacha, qui d’abord écoutait les paroles de sa mère, tout à coup l’interrompit :

— Assez, maman. Je ne pense pas et ne veux pas penser ! Eh bien, il venait, il a cessé, cessé… Sa voix tremblait. Elle était sur le point de pleurer, mais se retenant, elle continua tranquillement :

— Je ne veux pas du tout me marier ; et j’ai peur de lui. Maintenant je suis tout à fait calme…

Le lendemain, après cette conversation, Natacha mit une vieille robe qu’elle aimait particulièrement parce qu’elle s’y trouvait très à l’aise pour le matin, et, de ce jour, elle reprit le train de vie dont