Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol9.djvu/194

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assez maigres pour la chasse, mais étaient en tel état, que sur le conseil des chasseurs, il fut décidé de donner aux chiens trois jours de repos et de se mettre en route le 16 septembre en commençant par la forêt où une portée de louveteaux était signalée. Tel était l’état des choses au 14 septembre.

Tout ce jour, les chasseurs étaient à la maison. La gelée était piquante. Mais le soir, le temps commença à s’adoucir et il dégela. Le 15 septembre, quand le jeune Rostov, le matin, en robe de chambre, regarda à la fenêtre, il aperçut une matinée, comme on n’en pouvait espérer de meilleure pour la chasse : le ciel semblait fondre et, sans vent, descendre sur la terre. Le seul mouvement, dans l’air, était le mouvement doux, de haut en bas, des gouttes microscopiques de brouillard. Aux branches nues du jardin pendaient des gouttes transparentes qui, elles, tombaient sur les feuilles détachées. Dans le potager, la terre noire, fraîche brillait comme les graines de pavot et se confondait à une petite distance avec la couche humide et terne du brouillard. Nicolas sortit sur le perron mouillé, couvert de boue ; une odeur de forêt fanée et de chiens imprégnait l’air. La chienne noire, Milka, aux taches feu, à la large croupe, de gros yeux noirs obliques, se leva en apercevant son maître, s’étira, se coucha comme un lièvre, puis bondit sur lui à l’improviste et le lécha, droit sur le nez et la moustache. Un autre chien, un lévrier,