Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol9.djvu/213

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n’en croyait pas ses yeux, et ce doute dura plus d’une seconde.

Le loup courait en avant et sautait par-dessus une mare qui se trouvait sur sa route. C’était un animal au dos gris, au ventre large et roux. Il courait sans se hâter, convaincu que personne ne le voyait. Rostov, sans respirer, regarda les chiens. Les uns étaient couchés, d’autres debout, ne voyant pas le loup et ne comprenant rien. Le vieux Karaï tournait la tête et, en montrant ses dents jaunes, cherchait une puce avec colère, et faisait claquer ses dents sur ses pattes de derrière.

— Vélaut ! Vélaut ! — chuchota Rostov. Les chiens, tremblant des pattes et dressant les oreilles, bondirent. Karaï cessa de gratter sa patte, se leva en dressant les oreilles, agita un peu la queue où pendaient des touffes de poil.

« Les lâcher ou non ? » se demandait Nicolas pendant que le loup, sorti de la forêt, s’avancait vers lui… Tout d’un coup toute l’expression du loup se modifia et il tressaillit en apercevant, probablement pour la première fois de sa vie, des yeux humains fixés sur lui, et, tournant un peu la tête vers le chasseur, il s’arrêta. « Retourner ou avancer ? Bah ! qu’importe, en avant ! » semblait dire le loup et, sans plus regarder, il s’élança en avant, par bonds calmes, sûrs et décidés,

— Vélaut ! Vélaut ! — cria Nicolas d’une voix terrible, et tout à coup, son bon cheval s’élança du