Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol9.djvu/242

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À dix heures du soir, arrivèrent les breaks et trois hommes à cheval envoyés à la recherche de Natacha et Pétia. L’envoyé rapporta que le comte et la comtesse ne savaient pas où ils étaient et étaient fort inquiets.

On emporta Pétia, et, comme un cadavre, on le coucha dans le break. Natacha et Nicolas montèrent dans la drojki. L’oncle enveloppa Natacha et lui dit adieu avec une tendresse toute nouvelle. Il les accompagna à pied jusqu’au pont qu’il fallait contourner pour passer à gué, et ordonna que les chasseurs, munis de lanternes, marchassent devant.

— Au revoir, ma chère nièce ! cria-t-il.

Sa voix n’était pas celle que Natacha connaissait, mais celle qui chantait La Neige.

Dans la campagne qu’ils traversaient brillaient de petits feux rouges ; une odeur de fumée montait.

— Quel charme que cet oncle ! dit Natacha quand ils sortirent sur la grand’route.

— Oui, oui, dit Nicolas. Tu n’as pas froid ?

— Non, je me sens très bien, très bien ; je me sens si bien que j’en suis étonnée.

Ils se turent longtemps. La nuit était obscure et humide. On ne voyait pas les chevaux, on n’entendait que leurs piétinements dans la boue invisible.

Que se passait-il dans cette âme enfantine, impressionnable, qui saisissait si vivement et s’assi-