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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol9.djvu/305

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avec qui correspondre. À Moscou, elle ne savait à qui écrire, à qui confier ses peines, et beaucoup de douleurs nouvelles l’accablaient alors. Le retour du prince André et le moment de son mariage approchaient, et la mission de préparer son père, non seulement n’était pas remplie, mais, au contraire, la chose semblait tout à fait gâtée : rappeler au vieux prince l’existence de la comtesse Rostov, c’était le mettre hors de lui, d’autant plus que, sans cela, il était déjà presque toujours de mauvaise humeur.

Le nouvel ennui qui s’ajoutait, ces derniers temps, à ceux de la princesse Marie, c’étaient les leçons qu’elle donnait à son neveu de six ans. Dans ses occupations avec Nikolouchka, avec horreur elle reconnaissait en soi l’emportement de son père. Elle avait beau se dire qu’elle ne devait pas se laisser aller à l’emportement en instruisant son neveu, presque chaque fois qu’elle prenait l’alphabet français, elle avait un tel désir de déverser plus vite son savoir en l’enfant, qui avait déjà peur que sa tante ne se fâchât, qu’à la moindre inattention de sa part, elle tremblait, s’excitait, s’emportait, élevait la voix, parfois lui secouait le bras et le mettait dans un coin. Cela fait, elle-même pleurait sur sa nature méchante, mauvaise, et Nikolenka, en l’imitant, sanglotait, sortait sans permission du coin, s’approchait d’elle, retirait de ses mains son visage mouillé de larmes et la consolait.